En cette saison, la tentation est bien grande d’emprunter les routes de Savoie et Haute-Savoie à la recherche de pentes enneigées … Malgré l’abondance de neige cette année, mon choix se porte sur la rencontre de viticulteurs.
Alors que de nouvelles chutes de neige ont fait leur apparition cette semaine, les viticulteurs se trouvent fortement occupés dans leurs caves, à observer et suivre l’évolution des vins en cours de vinification.
Ce jeudi 28 février, me voici donc en direction du petit village de Ballaison (74) à la rencontre de Dominique LUCAS, artisan vigneron du domaine des Vignes de Paradis, situé sur les bords du Lac Léman.
Une brume épaisse recouvre le lac …
Les vignes du domaine se trouvent sur l’aire d’appellation Crépy (4.5 ha) et l’aire d’appellation Marin (1.5 ha), mais il possède aussi quelques parcelles de vignes dans la région de Pommard.
Les vignes sont conduites sur les principes de la biodynamie, avec utilisation des préparas 500 et 501 et d’infusions de plantes (cueillies dans les montagnes et séchées au domaine).
Aucune cuverie inox n’est présente au domaine, « une abération lorsqu’on travaille en biodynamie ». Seuls les œufs béton, les amphores et les demi-muids sont utilisés.
Les cuves œuf béton (12 au total, dont 3 sur la partie bourguignonne) sont construites selon le nombre d’or, et un système de siphon est installé pendant les fermentations, permettant aux gaz d’être extraits sans entrée d’oxygène.
Ce système est très astucieux, car il permet de suivre l’évolution des fermentations. Malgré la température ambiante plutôt fraîche (6°C), les fermentations se poursuivent tranquillement, et on apperçoit les bulles se faufiller dans les siphons.
Les amphores utilisées sont aussi construites sur la base du nombre d’or, avec des argiles en provenance de Bourgogne et de Normandie, selon les formes de l’antiquité sans pour autant avoir une base pointue. Aucun revêtement n’est appliqué à l’intérieur, le but étant d’avoir une structure microporeuse. Ces amphores seront semi-enterrées d’ici quelques mois. De nouvelles expérimentations sont prévues, notamment dans la composition des matériaux (argiles blanches).
Les demi-muids sont uniquement issus de propriétés bourguignonnes travaillant en biodynamie, à base de bois des forêts de l’Allier, et repris par un tonnelier bourguignon. On sent là un attachement très fort du bourguignon de souche, et une volonté marquée de disposer d’une futaille qui ne marque pas les vins.
Comme vous l’aurez compris, aucun intrant dans les diverses cuvées ; seul un peu de SO² est ajouté, avec des doses ne dépassant pas les 15 à 30 mg/l en total.
Vin de pays d’Allobrogie – Terroirs du Léman
Le cépage roi sur cette zone de l’appellation Crépy est le chasselas, qui trouve ici un terroir de prédilection. Dans un esprit de nouveauté, Dominique LUCAS a opté pour une plantation de chardonnay et de pinot gris. A venir, du chenin dont il apprécie la trame aromatique et la structure. Ici, les sols sont constitués de molasses et de moraines glaciaires.
Les vendanges des chasselas se font en plusieurs passes, jusqu’à 5 selon les millésimes et les cuvées.
Les cuvées :
– Un p’tit coin de paradis (3121 bt) : un chasselas vinifié en barrique. Cette cuvée donne un chasselas assez souple, avec de belles notes de poire guyot, et des touches délicates de fleurs blanches.
– Un matin face au lac (4825 bt): un chasselas issu d’un assemblage amphore et cuves œuf béton. Cet assemblage procure très rapidement une sensation de fraîcheur immédiate en bouche, sur des notes prononcées d’agrumes, de pelure de citron vert, des notes florales d’arbres fruitiers. La matière de ce vin se compose d’une belle fluidité et d’une réelle sensation minérale.
– C 74 : dans sa recherche d’expérimentations, Dominique LUCAS s’est aventuré sur une vinification de chasselas sous voile de plus d’1 an, sans sulfites ajoutés. 2010 est son premier millésime, et les faibles volumes produits n’ont pas permis de le déguster.
– Fleur de paradis (729 bt) : les vendanges des chasselas se déroulent en 5 passes. Une partie est vinifiée en vendanges tardives, une autre partie en passerillage (à la jurassienne, sur lattes avec lit de paille). Cette cuvée contient environ 100 g/l de sucres résiduels.
– IGP Chardonnay (1168 bt): une cuvée issue de jeunes vignes (4 ans), vendangées en 2 passes, et vinifiées en cuves œuf béton.
– IGP savagnin (887 bt): la copie conforme de la cuvée IGP Chardonnay. Cette cuvée est tout ce qu’il y a de plus troublant car la trame aromatique est très proche d’un chenin cultivé sur tuff.
– Deux autres cuvées sont dans les tubes : une, issue de sauvignon et une autre, à base de pinot gris. Ces deux cuvées sont en cours d’élevage en demi-muids.
Terroirs bourguignons
Les vignes sont réparties sur plusieurs parcelles dans la région de Pommard. L’année 2012 s’est avérée très compliquée avec des épisodes de grêle qui sont venus à quatre reprises anéantir toute possibilité de produire des vins à même d’être vendus sur des bases qualitatives en blanc et en rouge.
Les cuvées :
– Héritage de mes ancêtres : un Hautes Côtes de Beaune à base de chardonnay, exposés en versant nord, sur des terroirs d’éboulis calcaires regardant vers le village de Nantoux. Vinification à la bourguignonne en barrique pendant 4 à 8 mois.
– Grains de Chardonnay : un bourgogne générique issu de parcelles de chardonnay situées en dessous du Château de Pommard. Les vignes reposent sur une couche de terre peu épaisse et un sol très caillouteux. Les vendanges se font en 2 passes. Sur cette cuvée, 2010 est une forme d’ovni … la malo ne s’étant pas
déclenchée … Cela donne un vin plus tranchant que le 2011.
– Face au levant : ce bourgogne aligoté est issu de vignes centenaires, dont 20% sont non greffées. Les vendanges sont manuelles, le travail du sol au cheval. Le terroir est composé d’éboulis calcaires et d’argiles blanches. La vinification est réalisée en amphore. J’adore la matière de ce vin, sa complexité et sa profondeur.
– Héritage de mes ancêtres : un Hautes Côtes de Beaune à base de pinot noir, dont la vinification est réalisée en cuves œuf béton depuis 2011.
– En passant devant le château : cette cuvée fait un clin d’œil à ces parcelles situées en dessous du Château de Pommard. Le terroir est similaire à celui de Grains de Chardonnay, avec un élevage en barrique.
– Nectar de pinot : les vignes sont situées à proximité de Pommard, avec une proportion de plus de 40% de franc de pieds. Les labours se font au cheval, et les vendanges à la main.
Au cours des dégustations, on sent que ces cuvées ont besoin d’être mises de côté pendant 1 an ou 2, avant que le vin ne commence à s’exprimer pleinement.
Un domaine très prometteur et à suivre …
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